« Les politiciens doivent entendre nos souffrances, trouver une solution : aider les gens, gérer la chute de la monnaie, l’inflation des prix de la nourriture. Si les politiciens ne veulent pas comprendre, qu’on descende à leurs maisons ! »
À Tripoli, la colère gronde face à la gestion de la pandémie. Les manifestants se rassemblent dans cette ville où le gouvernement a mis en place un confinement sévère. Depuis le 14 janvier, et jusqu’au 8 février, les libanais y sont soumis à un couvre-feu 24 heures sur 24, qui ne peuvent plus même sortir pour faire leurs courses.
Lebanon lockdown protestors target Tripoli's political barons https://t.co/2LlRvxyODo
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La journaliste Jana Dhaybi témoigne auprès de France 24 :
« La situation est très critique à Tripoli, on peut même dire que la ville est au bord de l’implosion. La population, qui faisait déjà face à de graves difficultés économiques en raison de l’ensemble des crises qui frappent le pays, voit sa pauvreté s’accentuer encore plus en raison du confinement. Les manifestants n’ont pas peur du coronavirus, ils refusent de rester à la maison sans travailler, et de mourir de faim. Le contexte actuel de crises imbriquées fait que le coronavirus n’est qu’un détail pour tous ceux qui doivent faire face à une multiplication des difficultés. »
Ahmad, un manifestant explique, dans des propos repris par RFI, que « les politiciens doivent entendre nos souffrances, trouver une solution ».
« Il faut que l’on manifeste, mais pas comme ce qui a eu lieu jeudi, avec de la casse. Mais il faut que tout le monde descende dans la rue. Les politiciens doivent entendre nos souffrances, trouver une solution : aider les gens, gérer la chute de la monnaie, l’inflation des prix de la nourriture. Si les politiciens ne veulent pas comprendre, qu’on descende à leurs maisons ! »
Les chefs religieux libanais, chrétiens et musulmans, appellent les élites à arrêter de « se jouer du destin de la nation » et les politiques à former un gouvernement de « salut national ». Ils l’affirment, « le peuple ne pardonnera pas. L’Histoire n’oubliera pas ».
Saïd Oujibou s’était rendu au Liban, aux côtés de Carlos Payan et Marie-Claire Buis, dans les jours qui suivirent la double explosion du 4 août, qui avait ravagé le port de Beyrouth. Il rappelait déjà la « triple peine » qui pesait sur le pays : « la dévaluation de la monnaie à cause de la corruption », le Covid qui « n’a fait que fragiliser encore plus la population » et l’explosion, qui « les a mis à genoux ».
Aujourd’hui, 6 mois après l’explosion de Beyrouth, le Conseil Norvégien des Réfugiés (NRC) déplore que « des milliers de familles sont confrontées à une nouvelle vague de sans-abri en raison de la pauvreté croissante ».
Le NRC l’affirme, « l’épidémie agressive de Covid-19 a mis le pays sous une pression immense ».
Carlo Gherardi, directeur national du CNRC au Liban, témoigne :
« Des milliers de maisons ont été réparées grâce à d’énormes investissements et au travail des personnes touchées et de la communauté internationale, mais la dure réalité est que les plus vulnérables sont toujours déplacés. Ils sont de plus en plus sans emploi, incapables de payer un loyer, contractant d’énormes dettes et toujours plus dépendants de l’aide. Des dizaines de milliers de personnes ne sont toujours pas en mesure d’obtenir une nouvelle maison ou de retourner là où elles vivaient. Il est désormais impératif de regarder au-delà des dommages structurels et d’aider les habitants de Beyrouth à se relever. Le Liban a besoin de vastes réformes de gouvernance et d’un soutien international à long terme pour garantir la création d’emplois, la fourniture de services et la protection sociale. Les portes des maisons des gens ont peut-être été réparées, mais les dommages causés aux vies derrière ces portes demeurent. »
M.C.
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